Solidarité financière et financement de l’économie : les moyens d’intervention de l’Union européenne

Solidarité financière et financement de l’économie : les moyens d’intervention de l’Union européenne

Henry Marty Gauquié nous présente son article suivant, publié par la Revue Gestion & Finances Publiques (http://www.gestionfipu.com/ ) au numéro 4-2017. Il reprend les thèmes d’une intervention de l’auteur au colloque « Quelle Solidarité Financière pour l’Union européenne ? » organisé par l’Université Rennes 2 et Sciences Po Rennes, les 26 et 27 janvier 2017.

L’article dans son intégralité est disponible ici: SolidariteFinanciereHMG

Mots clefs : BEI, FEI, zone euro, financement de l’économie, crise économique, politique monétaire, plans d’aide aux pays en difficulté de l’UE.

Résumé : Si le principe de solidarité est consubstantiel au projet européen, ce concept est d’abord envisagé sous l’angle du financement des activités nouvelles et de la correction des déséquilibres induits par la création du « marché commun ». Ce n’est qu’à la fin des années 1970 qu’apparaît la notion de solidarité financière entre les États membres ; une évolution résultant d’une double impulsion : la crise économique induite par l’effondrement du système monétaire mondial en août 1971 et les exigences de « juste retour financier » exprimées à l’encontre de l’Union européenne par le gouvernement britannique, dès 1975.

La solidarité financière entre les pays de l’Union européenne prend trois expressions. Celle du budget européen tout d’abord qui, à travers les Fonds structurels et assimilés, redistribue annuellement environ 110 Mds d’€, soit pour accélérer le rattrapage des régions les moins développées, soit pour soutenir la mise en œuvre des politiques structurelles de l’Union par les économies des 28 pays membres : réseaux transeuropéens, équilibre territorial, appui aux PME et emploi, transitions écologique et numérique.

Celle des interventions du Groupe BEI (Banque et Fonds européens d’investissement) dont le rôle est double : d’une part, orienter et transformer l’épargne européenne et mondiale vers le financement des priorités économiques et sociales de l’UE et, d’autre part, catalyser l’investissement privé et public autour de ses propres interventions (effet de levier). Avec un volume annuel proche de 80 Mds d’€, l’intervention du Groupe BEI et de ses cofinanceurs représente une création annuelle de nouveau capital de 220 à 240 Mds € bénéficiant chaque année à quelques 265 000 entreprises et à plus de 4,1 millions d’emplois. Très rapidement, le rôle de la Banque a intégré une dimension de solidarité en finançant prioritairement et en convergence avec le budget européen, le développement des économies moins développées, la mise à niveau des pays en phase de préadhésion à l’Union, puis des actions contracycliques face aux crises, notamment depuis 2008 avec le financement de 3 initiatives de croissance et du Plan d’Investissement pour l’Europe, dit « Plan Juncker ».

Le troisième pilier de la solidarité financière au sein de l’Union européenne a été développé à partir de septembre 2008, sous deux formes ; la politique monétaire non conventionnelle de la Banque Centrale Européenne et le soutien à l’ajustement des pays membres en difficulté économique face à la crise. Ici les montants en jeu sont considérables, qu’il s’agisse des plans d’ajustement économique de 5 pays de la zone euro ayant mobilisé au total près de 620 Mds en soutien à la Grèce, l’Espagne, l’Irlande, le Portugal et Chypre, ou des plans de soutien à la Hongrie, la Lettonie et la Roumanie qui ont totalisé plus de 49 Mrds ; parallèlement, la BCE mettait en place des politiques monétaires non conventionnelles au soutien du secteur bancaire, puis des Etats et des collectivités publiques, ce qui a fait passer son bilan de 6% à 31% du PIB de la zone euro (soit plus de 3250 Mds d’€).

Mis en place au fil des années et dans l’urgence, ces instruments sont certainement une expérience unique au monde tant par les volumes mobilisés que par la variété des leviers de politique économique mis en œuvre. Ces avancées demeurent néanmoins peu connues et très fragiles en ce qu’elles sont trop souvent utilisées par les États membres pour masquer la faiblesse de leur gestion économique et budgétaire et différer leur loyauté envers le projet européen. Aussi, ces moyens ont-ils été déployés sans constituer les sous-jacents qui auraient permis de réaliser de véritables convergences économiques et sociales. C’est pour l’avoir ignoré que les gouvernants des pays membres ont placé l’Union dans une situation d’extrême fragilité lors de l’explosion de la crise économique mondiale en 2008.

Pourtant, cette même crise et ses ampliations européennes ont mis en lumière un paradoxe : le manque de crédibilité politique de la gouvernance ne remet pas en cause l’attractivité d’une Union européenne forte, ayant fait des choix d’avenir exigeants pour son avenir et capable de s’autonomiser en termes de politiques économique et monétaire.

Pour permettre à l’Union de mieux jouer son rôle dans une économie concurrentielle et mondialisée, il conviendrait de refonder le projet européen autour de quatre restaurations : celle de la crédibilité de sa gouvernance économique, celle de sa souveraineté budgétaire, celle de la dimension solidaire de ses politiques économiques et sociales et, enfin, celle de sa crédibilité diplomatique et militaire, prioritairement sur les questions intéressant son voisinage qu’il soit oriental ou méridional.

Les incertitudes que font naître la montée des populismes, le processus du Brexit et l’instabilité de la gouvernance américaine offrent à l’Union européenne l’opportunité de se confirmer comme le pôle de stabilité de l’économie mondiale et le référent en termes de développement durable et de responsabilité sociale. Il est à présent temps de prendre ses responsabilités !

 

Henry Marty-Gauquié, Directeur honoraire de la Banque européenne d’investissement (BEI), membre des Conseils scientifiques de la Fondation « Partager le Savoir en Méditerranée » et de l’Association « Euromed IHEDN » ; membre du Groupe d’analyse JFC Conseil.

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