Apriori, il n’y a aucun rapport entre les événements dramatiques qui ont marqué 2011: révoltes dans le monde arabe, tremblement de terre, tsunami, accident nucléaire au Japon, et la grave crise économique que subit actuellement l’Europe, mais leurs conséquences vont inévitablement interagir dans notre monde de plus en plus interconnecté. La nouvelle situation sera au coeur de notre prochaine conférence « Partager le Savoir » à Tunis du 17 au 20 mai 2012, à travers notre souci de traiter en profondeur les problèmes fondamentaux du développement durable par le dialogue scientifique Nord-Sud.
Au-delà de l’immédiat des changements de régime politique, la Tunisie, et bientôt l’Egypte devront, pour résorber le chômage et la misère, trouver les moyens d’un essor économique extrêmement vigoureux. Ceci implique une réflexion sur le rôle de l’innovation et de mener à bien des réformes de structure, que le contexte de stagnation économique en Europe et dans le Monde ne va pas simplifier.
Le temps est venu de dresser un bilan de toutes les conséquences de Fukushima qu’elles soient techniques, sanitaires et sociales et sur les modifications du « mix énergétique européen » entraîné par les décisions prises par l’Allemagne, la Belgique, la Suisse d’abandonner l’énergie nucléaire. Toujours dans le domaine de la politique énergétique européenne, la décision presque surréaliste de taxer les avions se posant en Europe s’ils utilisent du kérosène, relance les recherches sur l’emploi des biocarburants d’origine végétale.
L’exigence d’un développement vigoureux attire l’attention sur le déficit d’énergie électrique du continent africain. Il est inacceptable que chaque Africain ne dispose que de 10 fois moins d’électricité qu’un Européen et que des centaines de millions soient encore privés d’électricité. Pourtant l’Afrique est riche de ressources: fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel), hydroélectriques, sites favorables au solaire et à l’éolien, uranium. Un effort financier gigantesque sera nécessaire pour construire les unités de production et pour assurer le transport sur les très longues distances. Mais ne sous-estimons pas les solutions innovantes. Le téléphone mobile, s’est imposé en très peu d’années en Afrique, court-circuitant la technologie des lignes terrestres. Un processus similaire pourrait s’imaginer pour l’efficacité énergétique, le transport d’énergie, et finalement pour doter d’un éclairage électrique solaire les populations très pauvres des campagnes dépendant actuellement du kérosène !
Un de nos axes majeurs a été la lutte contre la Fracture Numérique et l’année 2012 verra le progrès de la liaison entre le réseau GEANT et la Méditerranée par le démarrage de EUMEDCONNECT 3 et avec les réseaux africains par le début de la réalisation de Africa Connect. Notons cependant que l’objectif du haut-débit à un prix abordable est encore loin d’être réalisé. Le succès des Grilles de Calcul a été illustré par l’exploitation des expériences du LHC. Mais cette procédure si puissante est lourde à employer. Microsoft Research se propose de nous montrer tous les avantages, dans le domaine de la Recherche des procédures Cloud maintenant bien connues dans la sphère des utilisations grand public. Profitant de l’ubiquité du téléphone mobile, dont le rôle politique est apparu durant les manifestations du Printemps arabe, un nouvel outil (G2C : Government to Citizens ) se développe pour permettre les interactions entre les administrations et le public. La Banque Mondiale a plusieurs projets de e-government en cours dans plusieurs pays africains. Les inquiétudes sur la sécurité alimentaire vont croissantes et nous poursuivrons la réflexion sur l’amélioration des techniques agricoles, y compris génétiques, sur une meilleure efficacité de l’irrigation et sur la lutte contre l’accaparement des terres qui porterait préjudice aux exploitations de subsistance. De la même façon, les enjeux sur les ressources alternatives en eau (dessalement, recyclage) sont d’une importance capitale. L’utilisation d’énergies renouvelables est encore trop coûteuse, sauf à être subventionnée. Il est essentiel pour les pays d’Afrique de participer à l’avancement global de la recherche fondamentale.
L’existence en leur sein d’élites scientifiques renforcera leur développement et assurera leur avenir. Les Centres de Recherche Internationaux (CERN, ICTP, CIEHAM, SESAME) ainsi que les programmes de l’UE sont le moyen de choix pour intégrer des scientifiques des pays émergents à la Science Mondiale de pointe.
Le développement des compétences de techniciens à tous niveaux est complémentaire de celui des élites scientifiques. Le renforcement des capacités, que ce soit dans le domaine de l’industrie, de l’agriculture ou de la gestion est primordial pour le développement. Ceci est vrai en particulier si l’on veut accéder aux technologies à faible émission de carbone (nucléaire, solaire, éolien) qui exigeront des compétences spéciales. Les universités européennes peuvent aider à mettre au point des programmes de formation en collaboration avec leurs homologues africaines. La Formation Permanente, telle que pratiquée par le CNAM est une composante originale qui doit être développée.
Robert Klapisch, Président de la Fondation